L’Auriol, d’abord une création manuscrite
L’Auriol typographique qui va être évoqué ici
a été précédé par un Auriol calligraphique,
Auriol qui fut fidèlement retranscrit au moment de sa gravure par
un certain Eugène Parmentier.

« la difficulté de marier le caractère à un dessin irrégulier et le goût parfois mauvais des imprimeurs m’ont conduit à dessiner des lettres qui, après diverses transformations, sont devenues typographiques. Je n’ai pas dessiné un type pour la gravure. Je n’ai pas modifié mes lettres pour les mettre à la portée du burin. J’ai prié le burin de les graver aussi fidèlement que possible, telles que la main les avait émises. La lettre gravée doit garder le souvenir du travail à la main, de la main qui l’a tracée et de celle qui l’a reproduite sur le métal. Il faut lui conserver l’aspect d’un dessin au lieu de lui imprimer celui d’une figure géométrique, en un mot la sauver de cette exécrable perfection : la sécheresse. »
C’est ainsi que l’Auriol gagna son surnom de « romain au pinceau » ou « écriture typographique » que les critiques brocardaient sous le l’expression, finalement heureuse, d’« écriture décorative »
Succès immédiat de l’Auriol
Dès son lancement sous la forme de la Française Légère, véritable prototype de l’Auriol, le caractère rencontre son public. Des revues telles que Le Canard sauvage ou Les Arts et la Vie sont entièrement composées dans ce caractère tout comme le A Rebours de Huysmans pour le club des Cent Bibliophiles. Il est décliné en Auriol Champlevé (1903), de la Française Allongée et de l’Auriol Labeur (1904) puis du Robur (1907 à 1911). Le tout constituant un ensemble homogène de caractères audacieux répondant à tous les besoins d’imprimerie : édition courante, bibliophilie, travaux de ville, publicité…
Décors typographiques de l’Auriol
Cette homogénéité était renforcée par l’ambition d’Auriol. Ce dernier ne concevait en effet pas un caractère sans son décor. Georges Peignot l’encouragea dans cette voie. C’est ainsi qu’au lancement commercial de la Française Légère, le spécimen du Catalogue général de la fonderie précisait :
« Pour accompagner, seconder, faire corps pour ainsi dire avec sa Française Légère, George Auriol a conçu une variété d’ornements d’une note toute nouvelle en typographie. Les nombreux motifs qu’elle comporte, joints à ceux du même maître donnés dans notre album de 1901, forment la plus originale et en même temps que la plus riche collection décorative mise jusqu’à ce jour à la disposition de l’imprimerie française. »
Verbatim: ils ont dit du caractère Auriol
« (…) élégante, surprenante de grâce imprévue, très ornementale et pourtant très lisible. », Anatole France
« Grâce au talent d’Auriol, la typographie eut un nouveau départ, et se relança dans les voies que le romantisme lui avait ouvertes quelques décades plus tôt. Auriol assignait délibérément à la typographie une valeur de mode…», Charles Peignot dans ABC juillet 1938
« L’Auriol et son italique connurent un énorme succès auquel contribuèrent largement la revue Les Arts et la vie et, en bibliophilie, l’ouvrage de Huysmans ‘A Rebours’ (les Cent bibliophiles) qui en eurent l’étrenne en 1904», R. Ponot dans Histoire de l’édition. française, 1986
« (…) compte tenu sans doute de leur manque de simplicité, de leur lisibilité parfois contestable, ces caractères, comme d’ailleurs beaucoup de ceux qui furent créés en ce début du XXe siècle, ne parvinrent pas à faire oublier les irremplaçables caractères classiques (…) », Jean-Claude Faudouas Dictionnaire des grands noms de la chose imprimé, 1991
« La panoplie de ce mécano de l’ornementation végétale est aussi belle que la plupart des pages qu’elle permet de monter (…) En somme, grâce à ces facilités, on peut user de ce décor au même titre que des lettres (…) On peut même aller plus avant encore et affirmer que, du fait de cette pratique, cette fois, le rapport avec l’écrivain est en mesure d’être inversé. Désormais, ce n’est plus l’artiste qui doit avoir à cœur d’être à la hauteur de l’écrivain, mais le contraire. », Jérôme Peignot, Petit Traité de la vignette, 2000

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