Histoire de l’Auriol par Francis Thibaudeau
« Le succès du Grasset – premier en date des labeurs modernes français – engagea le fondeur Georges Peignot à solliciter le concours, la collaboration typographique d’autres artistes en renom du centre parisien. Georges Auriol, tout d’abord, reçut commande d’un nouveau caractère de labeur. A ce moment (1901), le jeune maître était en pleine possession de son talent et dans toute la floraison de sa personnalité artistique. La caractéristique de son style, de sa manière en composition décorative, s’était fixée en de nombreux titres-frontispices, bandeaux, têtes de chapitres, culs-de-lampe ; dans des compositions pour plats et dos de reliures, dans des “marques” et “ex-libris” ; il s’était encore et tout spécialement constitué une réputation de dessinateur de lettres pour titres et affiches dont l’atelier Eugène Verneau – berceau de la réputation de la plupart de nos illustrateurs et décorateurs modernes – monopolisait les titrages. Cette préparation le désignait pour l’épreuve suprême de la maquette d’un alphabet en vue de sa reproduction typographique. Il y réussit magnifiquement. Si Grasset créa le romain calamique, il était réservé à Georges Auriol de nous donner le romain au pinceau, ou très exactement “l’écriture typographiée”. Cette appréciation que nous portions sur son œuvre dès 1902, n’a fait depuis que se confirmer. Faire du nouveau en lettre romaine d’imprimerie, à l’instant même où paraissait le Grasset, semblait une gageur difficile à tenir. Georges Auriol était de taille à l’oser : après l’œuvre sévère et de grande tenue de Grasset, il sut apporter et faire régner en typographie, par un perpétuel raffinement des silhouettes, la grâce et l’élégance françaises. Contrairement à Grasset, qui n’a guère donné à la typographie mobile que son labeur romain et son italique, la production de Georges Auriol s’exerce autant dans les pièces de décor que dans la lettre même, dont il a multiplié les types. Son œuvre en vignette et fleurons pour l’accompagnement des textes n’a pas de rivale en fécondité. Aussi est-ce à ce titre que nous l’avons choisie comme élément typographique de La Lettre d’imprimerie et du présent Manuel, voulant montrer qu’un artiste français de 1900, secondé par un industriel de goût et épris de son métier, avait pu créer une typographie d’époque aussi complète dans ses différentes parties que Simon Fournier, le grand maître du XVIIIe siècle, l’avait pu concevoir et exécuter pour la typographie de son temps. »

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