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A VENISE QUE LE LIVRE TYPOGRAPHIQUE naquit réellement.
Les premiers imprimeurs, Gutenberg en tête, avait surtout essayé
d’égaler avec l’imprimerie la qualité des travaux des copistes.
Ceci explique ainsi que la Bible à quarante-deux lignes de Mayence,
premier livre imprimé, l’ait été en caractères
gothiques. On a vu avec Nicolas Jenson comment ce dernier s’était
débarrassé de ce premier archaïsme. D’autres suivront...
Frontispice
du Calendario de Ratdolt (1476)
Dans le manuscrit,
le frontispice du livre n’existait pas. Celui-ci était en effet,
destiné à être relié et doté d’une couverture
en cuir. Le départ du texte était accompagné seulement
d’une initiale ornée de grande dimension; les premiers ouvrages
imprimés suivirent cette tradition. Ce n’est qu’en 1476 que parut
en tête d’un Calendario de Jean de Monteregio imprimé par
Erhardt Ratdolt, le premier frontispice orné. On pouvait y lire
sous forme de poème le titre de l’ouvrage, la date, le lieu de sa
publication (Venise!) ainsi que le nom de ses imprimeurs. Son large encadrement
de vases et de rinceaux était constitué de deux montants
pour les côtés, un bois de tête et deux cabochons enchâssant
le nom des imprimeurs en bas de la page, le tout formant un ensemble élégant
et équilibré
Romain de
Ratdolt (1486)
Erhardt Ratdolt,
originaire d’Augsburg, travailla à Venise de 1475 à 1485.
Editeur avec ses associés Bernard Pictor et Pierre Loslein du Calendario
de Monteregio, il est célèbre pour avoir imprimé en
1486 (à Augsburg, à son retour, mais les caractères
sont vraisemblablement ceux qu’il utilisait à Venise) le premier
spécimen typographique. Il comportait des lettres de forme, des
lettres de somme, trois corps de romain, un jeu de grec et un jeu de lettrines
ornées. Cette typothèque, impressionante, si on considère
l’époque, est d’une qualité irréprochable et illustre
la quasi-épuration des doubles lettres d’origine calligraphique.
Frontispice des ateliers de Erhart de Ratdolt (1478)
Erhardt Ratdolt
fut le plus dynamique des imprimeurs-éditeurs vénitiens de
cette époque. On a pu voir qu’il était à l’origine
du premier décor typographique, mais c’est également lui
qui imprima la première lettre ornée (auparavant, l’imprimeur
laissait un espace vide en début de paragraphe pour laisser l’enlumineur
compléter son travail). En 1482, il publia le premier traité
de géométrie à figures, les Elémentaires d’Euclide.
La légende prétend que dans sa passion novatrice, il fit
imprimer quelques exemplaires de cette édition princeps en lettre
d’or, c’est à dire qu’il inventa à cette occasion une encre
ad hoc. Il fit également un grand usage des illustrations sur bois
et fut le premier à illustrer ses livres avec des bois polychromes,
avant de prendre sa retraite dans sa ville d’origine Augsburg où
il dirigea encore un établissement.
L’imprimerie vénitienne au XVe siècle
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