Désireux
de rentrer dans ses fonds, le bailleur de fonds de Balzac
lui fait alors visiter l'imprimerie d'un de ses parents. Enthousiasmé,
Balzac fait, avant même que sa première opération
éditoriale n'échoue lamentablement, une demande
d'obtention de brevet d'imprimeur, le 12 avril 1826. Laure
de Berny, la «Dilecta» de sa correspondance, lui
prête 45.000 francs et obtient que son époux,
un haut magistrat, intervienne en faveur du postulant. Ce
dernier obtiendra son brevet le 1er juin. A son sujet, le
rapport du Ministère de l'intérieur indique
que «le Sr Balzac a fait ses études et son droit,
qu'il appartient à une famille estimable et aisée,
que sa conduite est régulière et qu'il professe
de bons principes. Il n'a fait aucun apprentissage dans l'imprimerie,
mais on convient qu'il en connait bien le mécanisme.»
Auparavant, il avait fait
l'acquisition, le 16 mars grâce à l'argent de
sa famille et de Mme de Berny, de l'imprimerie de Laurens
de Perignac, située au 17 de la rue des Marais-Saint-Germain,
devenue rue Visconti en 1864.
Le matériel est constitué de sept presses de
Stanhope, d'une presse à satiner, de six cents livres
de caractères cicero, de quatorze cents livres de caractères
petit texte et de onze cent livres de caractères petit
romain.

Presse Stanhope
Il engage un jeune typographe,
André Barbier, pour la somme de 12.000 francs, qu'il
débauche d'une autre imprimerie. Ce dernier supervisera
les 36 ouvriers de l'imprimerie,
nombre qui fait de l'imprimerie de Balzac une entreprise
de taille moyenne (à titre de comparaison, il est
possible de mentionner que la maison de Firmin-Didot employait
200 ouvriers et celle d'Everat près de 500).
Débutant
par un prospectus publicitaire pour les «pilules anti-glaireuses
de longue vie» (sic!) du pharmacien Cure, Balzac dépose
282 livres au Bureau de la librairie entre juillet 1826
et août 1928. Il s'agit bien souvent de brochures
d'actualité concernant des procès, des pots-pourris
politiques de chansonniers, de petits volumes à la
mode.
Dans cette catégorie,
il faut ranger les «Art de...», ces livrets
une littérature de distraction à la fois didactique
et parodique. Balzac en imprima plusieurs: l'Art de ne
jamais déjeunerchez
soi et de toujours dîner chez les autres par feu le
Chevalier de Mangenville,
l'Art de payer ses dettes et de satisfaire ses créanciers
sans débourser un sou ou encore le célèbre
ouvrage du Baron de l'Empesé, l'Art de mettre
sa cravate de toutes les manières connues et usitées
enseigné et démontré en seize leçons
avec dessins à l'appui!
Il réimprime
également des ouvrages didactiques célèbres
à grande diffusion: Lycée ou Cours de littérature
de La Harpe, Vocabulaire de Wailly, Ouvres
de Ducis et Colardeau. Il édite également
les Mémoires de Barbaroux, de Bouillé,
de Mme Roland, la troisième édition de Cinq-Mars
d'Alfred de Vigny, celle de La Jacquerie de Prosper
Mérimée. Balzac se permet même de prendre
quelques risques, puisqu'outre ses pots-pourris sédieux
des journalistes, il imprime des ouvrages condamnés:
les Ouvres de Parny, les Ruines de Volney,
les Scènes contemporaines de la vicomtesse
de Chamilly.