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Sommaire de l'affaire Gutenberg

Le vrai nom de Gutenberg
 Une paternité contestée

 
Mayence, cité natale de Gutenberg est aujourd'hui considérée comme le berceau de l'imprimerie européenne. Pourtant, cette affirmation fut longtemps contestée par cinq autre villes du continent : Haarlem, Avignon, Bruges, Feltre (Italie) et Strasbourg.

Nous reviendrons dans un autre dossier, sur la polémique la plus vive, pour nous concentrer sur les quatre dernières citées. Les prétentions de Haarlem et de son champion: Laurens Janszoon, dit Coster, seront traitées dans le dossier n°4.

Un point commun toutefois à toutes ces théories : elles reposent sur l'hypothèse de l'invention volée et ne voient en Gutenberg qu'un apprenti à la moralité douteuse.
 



Le cas strasbourgeois

Selon les tenants de cette théorie, l'imprimerie a été inventée par Jean Mentelin, authentique proto-imprimeur strasbourgeois de la fin des années 1460.

Iohannes Mentelius d'après la gravure de Michel Rösler

Initiée par le petit-fils de Mentelin, Johann Schott, elle fut reprise par divers chroniqueurs alsaciens : Jean Mentelin avait un serviteur dénommé Hans Gensfleisch. Ce dernier, voyant son maître toucher au but, s'enfuit de Strasbourg avec des lettres métalliques pour les vendre à Mayence à un certain Gutenberg. L'histoire se termine par la mort de chagrin de Mentelin et l'expiation du mauvais serviteur, frappé de cécité.
 



Le cas italien

Une histoire similaire fut reprise en Italie pour défendre les prétentions de l'imprimeur Pamphilo Castaldi, dont l'activité n'est toutefois avérée qu'à partir de 1475. Selon cette fable, Castaldi inventa l'imprimerie à Feltre mais se fit voler sa géniale trouvaille par un escroc répondant au doux nom de Fausto Comesburgo.
 



Le cas de Bruges

Même trame pour justifier les prétentions de cette ville des Pays-Bas de l'époque. Il suffit juste de remplacer la ville de Feltre par celle de Bruge et le nom de Castaldi par celui de Brito. Seule réserve, mais de taille : les premières impressions de Brito sont datées de 1455, soit cinq années après l'impression de la Bible de Gutenberg.
 


 
 
 
 

Le colophon du livre publié par Jean Brito sur lequel est fondé la légende bruegoise



La thèse avignonaise

Cette dernière, avec celle de Coster, est la plus crédible des thèses avancées jusqu'ici. Elle se distingue de ces dernières par l'existence d'éléments plus précis quant aux techniques utilisées.

En 1890, on a en effet retrouvé dans les archives notariales d'Avignon, des textes relatifs à un certain Procope Waldfoghel, orfèvre hussite chassé de Prague par les persécutions religieuses. Lors d'un séjour à Avignon entre 1444 et 1446, il semble avoir passé des contrats d'association avec des personnes désireuses d'apprendre l'orfèvrerie et l'« art d'écrire artificiellement » (ars artificialiter scribendi).
 


 
 
 
 
 
 
 

Acte par lequel Waldvoghel reconnait avoir reçu 408 lettres gravées en fer (1446)

Pour assurer cet enseignement, Waldfoghel disposait d'un attirail métallique qui a laissé songeur nombre d'historiens : des alphabets d'acier (dont un alphabet hébraïque), des formes de fer et d'étain concernant l'art d'écrire.

Le flou de la terminologie a généré bien des conjectures, les termes employés ne pouvant se comprendre dans leur sens actuel. Aujourd'hui encore, il est difficile de savoir ce que faisait Waldfoghel avec son matériel. L'explication qui résiste le mieux à la critique (mais cela est relatif) est qu'il s'agissait de poinçons d'acier. Ceux réalisés en métaux durs ont pu servir à estamper des reliures et à y inscrire le titre de l'ouvrage. Ceux réalisés en métaux plus mous on pu être utilisés par les rubricateurs de manuscrits pour imprimer le contour des lettrines dans les espaces laissés en blanc par les copistes.
 


et pour conclure les débats, signalons l'originale revendication tchèque. Selon Johann Korzinek (1675), l'inventeur de l'imprimerie serait né à Kuttenberg (Kutna Hora), près de Prague, ville dont il tiendrait son nom. CQFD !?!